Différence, altérité (rejet).

Les homosexuels, aimant par définition les personnes de leur sexe, sont désignés comme incapables d'aimer le véritable Autre (présenté comme le sexe opposé). Ainsi l'homosexualité conduirait-elle à l'exclusion (cf. discours de Madame Boutin à l'Assemblée Nationale).
L'amour de l'autre sexe n'est guère une garantie de l'amour et du respect de l'autre. Si tel avait été le cas, le machisme et la misogynie n'auraient jamais existé (cette idée est tirée du livret "L'homophobie" dans la collection "Que Sais-je ?" aux éditions PUF - Juin 2000). On peut ajouter sans crainte que le racisme et toute forme de rejet n'auraient jamais du exister non plus puisque l'hétérosexualité est tellement synonyme de plein amour.

Les relations qui lient les femmes (hétérosexuelles) et les hommes homosexuels sont propres à renverser n'importe quel discours tentant d'exprimer le rejet par les homosexuels de la différence, de l'altérité, des "autres", en particulier des femmes. Les amitiés entre homosexuels et femmes sont extrêmement nombreuses et fortes, à tel point qu'il en est né l'expression, au demeurant fort péjorative mais cependant bien significative, de fille à pd (sont ainsi appelées les femmes qui apprécient et sortent régulièrement et principalement en compagnie d'homosexuels). De même, les liens entre les fils homosexuels et leur mère sont tout aussi remarquables, dans de très nombreux cas. On serait même tenté de dire que l'homosexuel craint plus l'homme hétérosexuel (identique du point de vue sexuel) que la femme hétérosexuelle (différente).

Les femmes, lorsqu'elles expriment l'amitié qui les lient à des homosexuels, parlent de la sincérité des rapports qui n'existent pour ainsi dire pas avec la gente masculine hétérosexuelle (hors couple, évidemment). Les femmes hétérosexuelles et les hommes homosexuels ont à l'évidence des choses en commun (comme leur désir) qui leur permettent un partage de sentiments qui me paraît être à la base même de l'amitié. Je ne dis pas que les hommes et les femmes hétérosexuelles ne sont pas amis, ce serait une grosse bêtise, je dis cependant que les femmes ont souvent un tout autre rapport avec les hommes homosexuels qu'avec les hommes hétérosexuels, que ce rapport, elles l'apprécient beaucoup, et qu'ainsi elles ne se sentent pas rejetées par les homosexuels, bien au contraire.

Enfin, les couples de garçons sont souvent beaucoup plus divers que les couples hétérosexuels. Les grandes différences d'age, de milieu social ou politique, sont, en proportion, très probablement plus nombreux que chez les hétérosexuels. Peut-être n'est-ce que parce que les homosexuels sont moins nombreux et sont donc plus souvent enclins à "s'accommoder" malgré leurs différences, peut-être au contraire sont-ils plus ouverts ou plus souples, toujours est-il qu'on ne peut leur faire le reproche de ne s'aimer qu'entre "semblables". Il est par exemple frappant de noter qu'une image qui a longtemps été (et qui est toujours) une icône gay représente un (très beau) mécanicien portant deux pneus alors que la population gay qui l'adule vit dans des milieux sociaux autrement plus raffinés ou intellectuels.

L'attirance pour la différence existe bel et bien chez les homosexuels, jusque dans leurs fantasmes. Cette attirance, je l'ai montré, peut-être affective ou physique. La seule différence avec la relation hétérosexuelle est qu'il n'y a simplement pas d'attirance pour les organes génitaux autres. Qui trouve scandaleuse cette différence ?

La condamnation pour "non-altérité" peut s'appliquer à d'autres "catégories" de personnes que les homosexuels (Rejet de l'autre pour les célibataires, stérilité pour les prêtres, ...). Cependant, ceux qui tiennent ce discours n'ont pas la moindre animosité envers ces catégories, preuve que l'argument est irréfléchi, résultat d'un manque global d'interrogations sur la Vie par la personne qui l'énonce. Ce type de propos manifeste chez les personnes qui le tiennent un aveuglement ou un blocage, qui peut être expliqué de plusieurs manières :
- Soit l'individu fait preuve d'une capacité modeste à raisonner sérieusement (sans forcément qu'il y ait matière à se moquer), cas le plus rare car de telles personnes ne prennent en général pas parti dans des discussions de cet ordre,
- Soit la personne est totalement de mauvaise foi, ce qui arrive très souvent,
- Soit la personne est aveuglée par ce que lui dicte sa religion ou son éducation, et est donc incapable de remettre en cause ce qui lui est dit,
- Soit la personnes est suffisamment intelligente, de bonne foi et libre dans ses pensées, auquel cas il est logique de se demander ce qui peut à ce point l'empêcher d'analyser en profondeur son propre discours pour y voir les incohérences et les approximations. Le violent rejet de sa propre homosexualité peut, à mon avis, ainsi aveugler une intelligence. Ce n'est pas là une tentative d'intimidation de ma part, c'est une simple constatation : de nombreux homosexuels, avant de s'assumer comme tels, ont rejetés avec tous les degrés de haine toute expression de l'homosexualité. C'est également mon expérience personnelle, et je l'explique comme suit. Lorsqu'on reçoit une mauvaise image de l'homosexualité pendant sa jeunesse (souvent parce que c'est tout simplement un tabou), on apprend donc à rejeter cette "monstruosité", avant même de la ressentir. Quand de tels désirs apparaissent, on se les interdits et plus ils deviennent forts, plus on doit lutter. Or ce qu'on arrive à s'interdire à soi-même, tant bien que mal, il est impossible de l'accepter chez les autres. Il est très difficile de se priver pour respecter une règle quand les autres semblent s'en moquer.

On pourrait extrapoler sur les discours sur l'altérité en imaginant l'union sexuelle différente. En effet, si la sexualité n'avait été reproductive (et donc moralement acceptable) qu'entre personnes de même sexe, et partant alors du principe que les deux partenaires peuvent se féconder l'un l'autre à tour de rôles, alors on aurait immanquablement entendu le discours suivant : "l'hétérosexualité : c'est le mal. Dans ces couples, c'est forcément toujours la même personne qui prend et toujours la même personne qui est prise. Il y a là un déni de la réciprocité dans l'amour et ainsi une attitude perdurante de domination l'un sur l'autre, principe allant à l'encontre même de l'égalité universelle entre hommes et femmes. Etc... ". Mais c'est vrai qu'avec des "si", on met Paris en bouteille...

Il ne faut pas oublier enfin que si la femme est l'altérité de l'homme et inversement, l'homosexuel est l'altérité de l'hétérosexuel. Donc si, dans l'absolu, l'altérité est bonne, l'homosexualité peut et doit être validée comme un garde-fou aux abus hétéro-centristes. Je songe de même au célibat des prêtres, que certains semblent regretter. J'y vois au contraire un formidable intérêt : celui qui limite la portée de tout discours tendant à affirmer que le but dans la vie est de se marier et d'avoir des enfants, notamment à sa propre corporation (les prêtres). Le célibat des prêtres, j'en suis convaincu, protège ainsi les couples hétérosexuels sans enfant, les célibataires et les homosexuels de propos totalement égocentriques de quelques uns. L'autre intérêt du célibat des prêtres est qu'il oblige les prêtres à réfléchir plus en profondeur sur le sens de la vie, ce qui leur a permis de ne pas sortir les bêtises que je viens de citer. Je ne doute pas qu'on les aurait entendus sinon, lors des débats sur le PaCS. Vous l'aurez compris : je militerai donc toujours en faveur de l'altérité comme un élément essentiel à la société.

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