Vie privée, provocation, militantisme

Combien de fois a-t-on entendu le discours pseudo-ouvert que la sexualité est de l'ordre de la vie privée et qu'elle ne doit pas être étalée et que donc les homosexuels ont tort de s'afficher comme tels car les hétérosexuels ne le font (soi-disant) pas ?

Ce discours est insuffisamment réfléchi (s'il est de bonne foi).

D'abord, si on ne parle pas de la sexualité des hétéros, c'est évidemment parce qu'elle est la sexualité majoritaire et, de fait, présupposée pour tout un chacun. Si la société toute entière changeait sa mentalité pour ne plus imaginer, quand on parle de son conjoint ou de son ami (l'éventuel "e" étant muet), que cet autre est du sexe opposé, ok, on pourra dire qu'on ne parle plus de l'hétérosexualité et on pourra ne plus parler de l'homosexualité. Mais on en est loin : il va falloir modifier tous les imprimés administratifs…

En réalité, ce jour ne viendra pas, car qui voudra occulter de parler de ses enfants, de son attirance vers tel acteur ou actrice, ou tel genre d'homme ou tel genre de femme (sans parler des discours plus triviaux qui sont légions…) ? Quel genre de rapport et d'échange vont avoir les gens s'ils doivent absolument taire tout ce qui leur donne de la joie ? Puisqu'on refuse le mariage aux homosexuels, si quelqu'un parle de son mariage il montre automatiquement son hétérosexualité. Seul le PaCS permet effectivement de respecter cette partie de la vie privée.

Notre orientation sexuelle n'est pas plus privée que cela sauf, peut-être, pour ceux qui ne parlent jamais d'eux dans leurs milieux (professionnel, associatif ou autres). Mais la réalité c'est que peu de gens souhaitent totalement taire ce qu'ils vivent. Beaucoup sont fiers de pouvoir écrire sur leur CV qu'ils sont mariés, beaucoup sont heureux d'avoir des photos de leurs enfants sur leur bureau, ou leurs dessins au mur. Je défends cette envie, elle est légitime et, personnellement, je ne suis pas partisan de la totale séparation vie privée-vie profesionnelle (cette séparation me semble froide, et l'environnement professionnel désincarné).

Parler de sa vie c'est légitime et pas vraiment contestable. Mais si c'est un gay ou -pire parfois - une lesbienne qui exprime son orientation, on lui reproche parfois d'imposer ses choix. Pense-t-on que les homos doivent rester honteux et caché-e-s ?

Je me souviens d'une camarade qui m'a reproché d'avoir fait mon coming out devant 30 personnes de ma promo en école d'informatique, car elle trouvait que je n'avais pas à lui imposer cela. On était en cours de communication, on était censés se présenter, un par un, sur l'estrade. Oui il y avait dans mon initiative une part de défi ! Mais si je dois me présenter, n'est-ce pas un élément essentiel de ce que je suis ? Pour moi si ! Se présenter, est-ce ne parler que de ses hobbies ? L'année suivante, cette fille claironnait son mariage, toute fière…

Ne soyons donc pas choqués par deux hommes qui s'embrassent ou se donnent la main dans la rue, au supermarché ou dans le métro. Compte-tenu, encore aujourd'hui, du cran qu'il faut pour le faire, c'est encore plus beau que quand c'est un homme et une femme.

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