Education, Tabou

Beaucoup de parents entendent taire autant que possible l'existence de l'homosexualité avec leurs enfants (même si c'est de moins en moins possible aujourd'hui). L'idée, avouée ou non avouée, est qu'en n'en parlant pas, ils évitent de faire germer en eux l'idée de pouvoir "choisir" cette voie. Et dans le cas où ce désir germe malgré tout, la pression doit être suffisamment forte pour que les enfants refoulent au mieux ce désir.

Ces parents songent donc que la lutte contre sa propre homosexualité doit se faire coûte que coûte et en solitaire, c'est à dire sans pouvoir en parler à ses parents.

Ce choix n'est pas motivé par le raisonnement mais par la peur. Il contient plusieurs erreurs.

Supposons, pour raisonner à partir des hypothèses de départ de ces parents, que l'orientation sexuelle est "éduquable".

La première erreur, c'est que même avec un tabou total sur le sujet, l'homosexualité existe. Les tristes années du XXe siècle ont été celle d'une répression accrue de l'homosexualité et donc une époque de honte et de peur (pensons à Oscar Wilde, condamné aux travaux forcés et décédé peu après sa libération, pensons aux homosexuels déportés, pensons à la loi française de 1969 faisant de l'homosexualité un "fléau social" avant qu'une loi de 1981 la dépénalise). Les homosexuels n'ont pourtant jamais disparu. Cela signifie-t-il autre chose que l'homosexualité ne s'attrape pas par contact avec d'autres homosexuels ni par connaissance du sujet ?

La deuxième faille dans ce raisonnement, c'est que ces parents pensent que l'homosexualité peut-être refoulée par un combat intérieur mené au bon moment. En supposant que cela est juste, on constate que ces parents préfèrent faire un total tabou du sujet et découvrir donc l'homosexualité de leur enfant que lorsque celui-ci décide de faire son coming-out et qu'il est alors bien trop tard pour essayer d'en parler. Si l'enfant décide de parler à ses parents de son homosexualité alors que ceux-ci ont toujours mis à l'index les homosexuels soit par leur silence, soit par leur rejet, cela signifie que le jeune est sûr de son homosexualité. Il est bien évident que s'il doute de ses propres désirs, il ne va pas aller les claironner à des personnes qu'il aime et qui pourraient le rejeter s'il leur révellait cette hypothèse. Un coming-out, les parents doivent s'en convaincre, n'est jamais fait à la légère. Souvent les parents espèrent (et parfois expriment à leur enfant) que l'homosexualité n'est peut-être juste qu'un passage. C'est humain de le penser, mais il ne faut pas trop espérer si c'est l'enfant qui a pris son courage à deux mains pour le réveller.

Enfin, et c'est là que réside la plus dangereuse faille, les parents décidant d'éluder totalement le sujet devant vos enfants, mettent la vie de leurs jeunes en péril. L'homosexualité non acceptée représenterait la première cause de suicide chez les jeunes (et le suicide est avec les accidents de la route la première cause de mortalité chez les jeunes).

Plutôt que de se dire sans fin que son enfant ne sera pas homosexuel et qu'en parler est de ce fait, superflu, pourquoi ne pas ouvrir le dialogue sur le sujet avec vos enfants pour les amener à parler de ce désir s'ils le partagent et pouvoir trouver un soutien psychologique et peut-être inverser la balance (je suis toujours dans l'hypothèse que ces tendances peuvent "s'éduquer"). Est-ce que ce dialogue, peu à peu, ne vaut pas mieux que de courrir le risque que son jeune saute devant un RER, avale un tube de médicaments, au autres atrocités ? La dialogue, la connaissance profonde et en toute confiance de son enfant ne vaut-elle pas mieux que découvrir brutalement, du jour au lendemain, que son enfant n'est pas comme tout le monde, qu'on est passé à côté de lui ou d'elle, qu'il faut - le cas échéant - faire le deuil de toute la vie hétérosexuelle qu'on a pu lui imaginer ?

Il est nécessaire d'abordez ces questions avec les enfants. Je suggère de leur dire que le désir le plus commun et le plus simple est le désir que deux personnes de sexe opposés ont l'un pour l'autre, que c'est aussi la voie qui conduit le plus naturellement (si ce mot reste contestable, les autres le sont encore plus) vers les joies de la parentalité. Mais je vous suggère aussi de laisser un place dans votre discours à d'autres personnes, à deux hommes ou deux femmes qui s'aiment, qui ne partagent pas le désir pour l'autre sexe et que si leur voie est plus difficile puisqu'elle implique une relative marginalité et parfois quelques soucis, elle peut aussi rendre heureux, notamment par la liberté qu'elle offre.

Le jour où l'homosexualité sera totalement acceptée sera le jour où les parents ne feront plus grand cas de l'homosexualité de leur(s) enfant(s).

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