Physique

"Les homosexuel-le-s me gênent physiquement"

Je trouve cette remarque frappante. Je n'ai jamais pu l'expliquer concrètement.

Toutefois on devrait s'interroger sur plusieurs choses. Ces personnes sont-elles gênées seulement par la présence physique de l'homosexuel-le, ou bien aussi par sa simple vue, en son absence (pensons à la vue d'un-e homosexuel-le à la télévision). Dans la cas où ce dernier cas se présente, il est permis de s'interroger sur la nature des "radiations négatives" émises par les homosexuel-le-s qui seraient ainsi captées par la caméra ou le micro, véhiculées électroniquement et "hertziennement", et retransmises par le haut-parleur et l'écran. Et si ce phénomène ne se produit pas devant la télévision, ni à la radio, on peut donc en conclure que ce sont donc exclusivement des perceptions de proximité et qu'ainsi, dans le bus, le métro ou la foule du marché, les personnes capables de les capter doivent ressentir par instants des frissons lorsqu'ils cotoient à leur insu un-e homosexuel-le. Evidemment, cela ne se produit pas, et si quelqu'un prétend que cela se produit, il ne serait pas difficile de le vérifier : en lui faisant expérimenter la proximité de plusieurs individus parmi lesquels quelques homosexuel-le-s, je veux bien parier que l'efficacité de la "détection" sera comparable à celle des avions renifleurs.

Si je n'ai jamais pu donner d'explication à cette gêne, je l'ai cependant trouvée dans le livre "Réflexion sur la question juive" (dont je vous recommande vivement la lecture). Sartre cite pour illustrer ce phénomène de gêne physique ressentie lors de la présence d'un individu, l'histoire d'un antisémite justifiant son rejet des juifs par celui, "naturel", de son corps. Et Sartre l'explique par un rejet intellectuel si fort qu'il quitte la seule sphère mentale et atteint le domaine corporel. Il prouve que cette "sensation" n'a rien de physique en citant l'exemple d'hommes qui ont été jusqu'à avoir des relations sexuelles avec des femmes sans ressentir la moindre gêne, jusqu'au jour où ils ont appris leur origine juive (découverte probablement faite lors de la vue de l'étoile jaune que ces femmes ont eu à porter pendant la guerre qui est l'époque de l'écriture de ce livre); découverte qui leur a fait perdre tous leurs moyens !

Un exemple illustrant bien ce dépassement de la sphère intellectuelle sur le physique est la peur du vide, le vertige. Mettez une personne sensible au vertige (moi un peu !) au bord d'un précipice sans le lui dire et cette personne n'aura aucun malaise. Enlevez lui le bandeau (en le tenant) et vous la verrez se sentir mal ! Souvent aussi des gens parlent de l'effroi qu'ils ressentent après une situation, rien qu'à l'idée de la posture dangereuse dans laquelle ils étaient alors que sur le moment ils ne ressentaient rien car ils n'avaient pas conscience du danger. Il n'y a donc pas de mystère non plus sur le lien qu'il peut y avoir entre le mental et le physique. Nos sensations physiques ne sont donc pas une référence absolue de ce qui est bien/pas bien car elles sont étroitement liées à notre expérience et donc à nos acquis et à nos peurs.

Puisque cette gêne existe parfois, comment, alors que ce ressenti n'existe pas chez d'autres, l'inculquer à l'homosexuel plutôt qu'à soi-même ? Comment ne pas remettre en cause sa propre personne - son hyper-sensibilité ou son intolérance par exemple - plutôt que condamner systématiquement l'autre ? Si je frissone devant un noir, dois-je en vouloir au noir d'être noir ou dois-je m'en vouloir à moi de frissoner ?

Comment douter que la gêne physique engendré par les homosexuels chez certaines personnes relève de la même construction psychique ?

J'ai connu une mère qui, 6 mois après avoir découvert l'homosexualité de sa fille, s'est faite opérer d'un kist nerveux. Son médecin lui a dit que ce genre de choses peut arriver après un important choc émotionnel. La relation entre la découverte et le problème de santé ne faisait pas de doute. La mère n'a pas manqué d'en faire le reproche à sa fille : "c'est à cause de toi que j'ai eu des problèmes de santé".

Au delà de la souffrance, digne de respect, qu'a effectivement ressenti cette mère en apprenant cette information, c'est une erreur (vraiment moche) de dire à sa fille que c'est son homosexualité qui en est à l'origine. Car la fille était homosexuelle avant que la mère ne le découvre, et ce n'est qu'à partir de la découverte de l'orientation de la sexualité de sa fille que la mère a développé ce kist. C'est l'image affreuse que la mère avait de l'homosexualité qui l'a tant bouleversée, au point de l'atteindre physiquement lorsqu'elle a appris celle de sa fille .

Si la mère avait connu dans sa vie d'autres homosexuel-le-s, si elle avait accordé un peu d'attention à des gens différent d'elle, l'homosexualité lui aurait paru moins terrible, et elle n'aurait certainement pas développé cette affection.

S'il y a procès, ce n'est guère seulement à la mère qu'il faut le faire, mais le procès de la société, avec ses tabous et ses oeillères, dans laquelle elle a vécu et dont elle a été en partie victime. C'est aussi pour ça que l'homosexualité ne doit pas rester secrète, privée comme quelques personnes le clament hypocritement. Pour la dédramatiser, il faut au contraire communiquer sur le sujet.

Ce n'est pas l'Autre mais la peur de l'Autre qui conduit aux manifestations physiques du rejet.

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